Des scélérats, il s’en trouve partout,
Et en venir à bout jamais ne se pourra.
Celui qui a raison de sa seule colère
A également raison de tous ses ennemis.
Comment trouver assez de cuir
Pour en recouvrir toute la terre ?
Avec le cuir d’une simple semelle
On parvient au même résultat.
Il suffit d’un accès de colère pour détruire
La générosité, les offrandes au bouddhas
Et toutes les pratiques méritoires
Accumulés au cours de mille ères cosmiques.
Comme il n’est pire faute que la haine
Ni meilleure ascèse que la patience,
Appliquons-nous, de toutes les façons possibles,
A cultiver la patience.
Assailli par les douleurs de la colère,
L’esprit ne connait plus la paix
Et ne trouve ni joie ni bien-être ;
Le sommeil disparaît et l’on vacille.
S’il y a un remède,
Pourquoi être mécontent ?
Et s’il n’y en a pas,
A quoi bon s’irriter ?
Je ne m’irrite pas contre le feu
Ni les autres grandes causes de souffrance.
Alors pourquoi m’emportai-je contre les êtres ?
Ils sont eux aussi, soumis aux circonstances.
Si je m’emporte contre le porteur
Du bâton qui me frappe,
Comme il agit sous l’influence de la colère ?
Je devrai ensuite m’en prendre à sa colère.
Je me réjouis donc d’avoir un ennemi
Pareil à un trésor que l’on trouve chez soi
Sans faire le moindre effort :
Il m’assiste dans la pratique de l’Eveil.
Accomplis par lui autant que par moi,
Les fruits de la patience
Lui reviennent d’abord,
Car de ma patience il est la cause première.
SHANTIDEVA (685-763)

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