MATTHIEU RICARD.

LA HAINE.
De tous les poisons mentaux, la haine est le plus néfaste. Elle motive toutes les violences, tous les génocides, toutes les atteintes à la dignité humaine. Sans haine, pas de meurtre, pas de guerre, pas de ces millénaires de souffrance qui sont notre Histoire à tous.
L'instinct veut que, si quelqu'un nous frappe, nous frappions en retour. Les sociétés humaines, donnent ainsi le droit à leurs membres de riposter de façon plus ou moins juste selon leur degré de civilisation - Le plus élevé restant à apprécier! La mansuétude, le pardon et la compréhension des raisons de l'agresseur sont en général considérés comme des choix facultatifs.

Il est rare que nous soyons capable de considérer un criminel comme la victime de sa propre haine. Il est encore plus difficile de comprendre que le désir de vengeance procède fondamentalement de cette même émotion qui a conduit l'agresseur à nous nuire. Tant que la haine de l'un engendre celle de l'autre, le cycle du ressentiment et des représailles n'aura jamais de fin.
" Si la haine répond à la haine, jamais la haine ne cessera."
Enseignait Le Bouddha Shakyamuni.
LES VISAGES HIDEUX DE LA HAINE.
La colère, précurseur de la haine, obéit à la pulsion d'écarter quiconque fait obstacle à ce qu'exige le moi, sans considération pour le bien d'autrui. Elle se traduit également par l'hostilité que l'on éprouve lorsque le moi est menacé, et par le ressentiment quand il a été blessé, méprisé ou ignoré. La malveillance est moins violente que la haine, mais plus insidieuse et tout aussi pernicieuse. Elle s'enflamme dans la haine, qui est le désir de nuire à quelqu'un, directement ou par des voies détournées, en détruisant les causes de son bonheur.
La haine amplifie les défauts de son objets et ignore ses qualités. L'esprit, obsédé par l'animosité et le ressentiment, s'enferme dans l'illusion et se persuade que la source de son insatisfaction réside entièrement à l'extérieur de lui-même. En vérité, même si le ressentiment a été déclenché par un objet extérieur, il se trouve dans notre esprit. Mon Maître Dilgo Khyentsé Rinpoché expliquait:
" La haine ou la colère que l'on peut ressentir pour une personne ne lui sont pas inhérentes, elles n'existent que dans notre esprit. Dès que nous voyons celui que nous considérons comme un ennemi, toutes nos pensées se fixent sur le souvenir du mal qu'il nous a fait, sur ses attaques présentes et celles qu'il pourrait entreprendre dans le futur.
L'irritation, puis l'exaspération nous gagnent, au point que nous ne pouvons plus supporter d'entendre son nom. Plus nous laissons libre cours à ces pensées, plus la fureur nous envahit et, avec elle, l'envie irrésistible de saisir une pierre ou un bâton. C'est ainsi qu'une simple bouffée de colère peut conduire au paroxysme de la haine."
PLAIDOYER POUR LE BONHEUR. ( Nil Editions; et Pocket )

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